L'hydravion SE-200, aujourd'hui abandonné. |
L'HYDRAVION DE CHARGE
Ce n'est pas simple hasard si tant de place est accordée, dans ce numéro, au grand hydravion français Latécoère 631. Nous sommes au nombre de ceux qui ont toujours défendu cet appareil, tant pour la réussite technique qu'il représente que pour les immenses possibilités que permet sa formule. Aujourd'hui, les troubles d'une jeunesse différée ont été surmontés et il est remarquable de constater que, malgré la date ancienne de sa conception, le Laté présente toujours un intérêt de premier plan. Il est simplement navrant qu'une mode technique passagère ait écarté la France, pendant si longtemps, du bénéfice des travaux importants qu'elle avait effectués dans le domaine des hydravions de gros tonnage.
L'autre semaine, M. Souville, gérant de la compagnie Hydro-France, nous avait convié, avec quelques confrères, à l'une des conférences de presse les plus intéressantes auxquelles il nous ait été donné d'assister, depuis longtemps. Il nous expliqua avec clarté comment on avait découvert la maladie du Laté et comment on y avait remédié, ceci fait l'objet d'un important exposé de notre rédacteur technique. Il développa aussi quelques idées fort séduisantes sur la remise en service possible des sept hydravions de ce type, le genre d'utilisation commerciale auquel ils se prêtent le mieux et sur l'avenir de l'hydravion de gros tonnage, en général.
Tout d'abord, il convient de rendre hommage à M. Pierre Montel, qui a su prendre la responsabilité de la remise en état d'un Laté-631, de façon à établir, par des essais définitifs, les qualités et les défauts de cette machine. Aujourd'hui, ces essais ont été accomplis, un long voyage a été mené à bien et l'on se montre officiellement satisfait du comportement de l'appareil modifié. Voici donc revalorisé un hydravion dont la construction avait coûté des sommes importantes et qui hier encore, était réduit à l'état de ferraille sans grand prix par l'abandon dans lequel on le laissait.
Les transformations envisagées et qui, outre les modifications d'ailerons et des groupes motopropulseurs, portent sur l'établissement de portes cargo, atteignent un prix d'environ 60 millions par appareil. Or, le prix actuel d'un DC-4 est de 80 millions et le Laté présente un volume de travail trois fois supérieur à celui du quadrimoteur terrestre. On voit donc que l'opération est largement rentable et il faut souhaiter, en conséquence, que les six appareils restants soient, eux aussi, rapidement remis en état.
Le seul inconvénient que l'on pourrait trouver à la mise en service d'une pareille flotte serait la perturbation possible qu'elle pourrait apporter dans l'ordre si difficilement établi dans l'exploitation des compagnies privées. Or, il ne semble pas que ce danger doive exister, car l'exploitation du Laté se place sur un tout autre plan et le fret qu'il est susceptible de transporter vient se placer en dehors des courants déjà établis.
D'autre part, il est d'autres transports qu'on peut envisager avec un tel appareil, comme le rapatriement généralisé des fonctionnaires coloniaux, ce qui accélérerait le rythme des congés de ceux-ci et les rendrait indisponibles moins longtemps dans ces périodes; ce qui donnerait un nouvel essor économique aux territoires d'outre-mer et modifierait sensiblement leur forme de vie. Les Laté ainsi utilisés, ne seraient donc pas affectés à une ligne, mais, tels les navires marchands, pourraient aller de port en port, là où leur service l'exigerait.
On peut aussi envisager l'emploi des hydravions de gros tonnage pour le transport des troupes, avec leurs encadrements et leurs équipements, qui exige actuellement de longues immobilisations des unités. On sait que les Anglais envisagent l'utilisation de leurs grands hydravions Princess à cette mission et que les Américains ont déjà adopté cette solution avec leurs Mars. Les Latécoère, ou tels autres appareils de même tonnage, comme le SE-200, combleraient une grave lacune du transport militaire français et l'on peut se demander si la flotte actuelle serait même suffisante. On peut aussi envisager l'exécution d'une telle mission par des compagnies civiles travaillant sous contrat avec les forces armées, comme cela se pratique en Angleterre.
Enfin, la remise en service de ces appareils doit nous être très précieuse, au moment où, dans le monde entier, on se tourne à nouveau vers l'hydravion, de gros tonnage, qui sera probablement le véhicule idéal de la puissance nucléaire. L'expérience que nous pouvons gagner là ne doit être négligée à aucun prix et outre les Latécoère, il faut faire voler à nouveau le SE-200 et aussi la maquette volante SE-1210, cependant que les études abandonnées doivent être reprises.
Le retour en faveur de l'hydravion peut être une carte importante pour la France.
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